Les limites administratives des villes ou quartiers ont toujours revêtu un caractère relativement « arbitraire », dans le sens où l’espace de vie des habitants concorde rarement avec ces limites. Si le cœur d’un quartier ou d’une ville fait en général consensus, la perception de ses périphéries peut grandement varier d’une personne à l’autre. C’est cet aspect qu’a voulu étudier Alasdair Rae, un chercheur de l’université de Sheffield spécialiste d’études urbaines et de planification en créant Draw Your City, une application de cartographie collaborative permettant à chacun de dessiner sa ville avec les limites que l’on conçoit.
Cette expérimentation permettant de voir de que l’on considère comme faisant partie ou non d’une ville s’est inspiré de travaux précurseurs initiés en 2012 dans le contexte de la ville de Boston par deux cartographes, Andy Woodruff et Tim Wallace dans le cadre de leur projet Bostonography. Il s’agissait là de comprendre comment les habitants considéraient l’extension des différents quartiers de la ville. Après avoir laissé à disposition pendant 1 an une interface cartographique web, la carte suivante a été construite à partir des réponses de 1000 personnes :
Synthèse des résultats des quartiers dessinés par près de 1000 répondants
Si certains quartiers font plutôt consensus, comme South Boston (au nord-est de cette carte), d’autres présentes des limites nettement plus confuses, par exemple Roslindale situé au sud-est de cette carte. Globalement le modèle qui se dégage de cette carte est que les quartiers centraux près du port au nord sont plutôt bien identifiés alors que les quartiers résidentiels au sud, plus récents et étant marqués par une identité moins forte, ont des limites moins consensuelles.
L’application d’Alasdair Rae, Draw your city, est une expérimentation plutôt centrée sur Londres, mais ouverte tout aussi bien au monde entier. Ainsi, à l’heure actuelle, les limites suivantes ont été tracées pour Paris:
Paris intra-muros ou région parisienne ? (Source)
Nous n’avons pour l’instant que personnes qui ont contribué pour la ville de Paris. C’est relativement peu mais nous permet déjà de dégager un élément intéressant. Deux conceptions de Paris semblent cohabiter : l’une limitant Paris à sa partie située à l’intérieur du périphérique (contenant ou non les bois selon les cas) et l’autre concevant plutôt Paris comme la région parisienne. L’application propose aux personnes d’ajouter un petit récit à leur tracé, malheureusement une seule personne l’a fait pour Paris. Nous ne pouvons donc qu’extrapoler pour expliquer ce phénomène en supposant que les personnes habitant Paris intra-muros ont probablement une conception plus restrictive des limites urbaines que les personnes habitant en petite voire en grande couronne.
Ce projet est une expérimentation intéressante qui nécessitera tout de même un travail de cartographie ingénieux pour synthétiser les résultats obtenus. Car comme nous pouvons le voir sur la ville de Londres (celle ayant reçu le plus grand nombre de participation), cela peut vite devenir un grand entassement de lignes indémêlables:
Comment synthétiser une telle production ? (Source)
La réponse à cette question sera apportée prochainement puisqu’Alasdair Rae indique qu’il va laisser fonctionner l’application quelques semaines avant d’en produire une synthèse sur son blog.
Sources :
- Lien vers l’application : http://ajrae.staff.shef.ac.uk/nhood/
- Carte de synthèse sur Boston: http://bostonography.com/2015/map-your-neighborhood-again/
- Cartes par quartiers sur Boston: http://bostonography.com/2012/crowdsourced-neighborhood-boundaries-part-one-consensus/
- Le blog d’Alasdair Rae: http://www.statsmapsnpix.com/