Un SIG participatif au service de la lutte contre la corruption


Carte "visualiser la corruption"

En 2015, l’association Transparency International, ONG dont l’objet principal est de lutter contre la corruption, a lancé visualiserlacorruption.fr, un SIG participatif de la corruption.

Chaque citoyen est invité à y indiquer en les géolocalisant, si cela n’est déjà fait, les affaires de corruption dont il aurait entendu parler. Bien sûr, des membres de l’association sont chargés, tous les jours, de contrôler l’exactitude des faits évoqués et éventuellement de les corriger avant de les valider. Il ne s’agit pas que n’importe qui raconte n’importe quoi : nous avons ici affaire à des dossiers sensibles, qui relèvent de la sphère judiciaire.

Dès lors, des doutes s’installent sur la pertinence de l’aspect collaboratif de la carte. En effet, le mode de validation démontre que les réseaux locaux de Transparency International, constitués de « bénévoles experts », auraient très bien pu remplir la base de données eux-mêmes et que l’appel à la collaboration du citoyen lambda semble peu efficace. A titre personnel, toutes les affaires de corruption que je connais sont déjà dans la base, et je ne vois pas bien ce que je pourrais y apporter de plus qu’un bénévole investi contre la corruption dans sa région… Transparency International aurait-elle succombé à une « mode » du collaboratif ? Plus que le réel intérêt de la participation citoyenne, le message envoyé aux auteurs de faits de corruption insinuant que l’ensemble des citoyens les connaît et les pointe du doigt semble faire son chemin. Moyen efficace de dissuasion ? Malheureusement, rien n’est moins sûr… L’aspect symbolique de l’utilisation de l’open data pour évoquer la transparence des affaires est le plus évoqué.

Penchons-nous un peu plus sur la carte et avouons-le franchement : esthétiquement elle n’est pas terrible. Un fond Google Maps on ne peut plus neutre et une symbologie de points unique : le marqueur rouge proposé par défaut par Google. A l’évidence, les bénévoles de Transparency International ne sont pas des pros de la sémiologie graphique… Il est vraiment dommage de ne pas pouvoir utiliser un système de filtres et que l’ensemble des faits soient symbolisés par la même forme de la même taille et de la même couleur. Il aurait ainsi été possible d’éviter de mettre sur le même plan l’élu condamné à trois ans de prison pour avoir détourné plus de 600 000 € et le maire condamné à un euro symbolique pour avoir falsifié une délibération du conseil municipal au profit d’une subvention pour l’association de sa fille.

Autre problème de la carte et non des moindres : le mauvais réglage du niveau de zoom. Si vous habitez en région parisienne et que vous voulez visualiser les cas recensés près de chez vous : impossible, c’est trop condensé et rapidement le zoom s’arrête ! Le problème est le même autour de Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux et… Bastia. Peut-être cela est-ce voulu pour l’effet de masse ? Après tout, d’autres fonctionnalités existent pour visualiser dans un tableau les différentes affaires en les triant par département et région, il existe même des statistiques pour chacune de ces entités territoriales sur la répartition des affaires par type de faits ou de condamnations par exemple.

En région parisienne, la corruption est illisible...

En région parisienne, la corruption est illisible…

Il est aussi à craindre que ce type de SIG collaboratif, boosté par une nécessité de transparence certes bien légitime, accrédite la thèse du « tous pourris ». L’accumulation de points dans toute la France donne en effet l’impression qu’ils sont partout, ces élus corrompus. Nous préciserons donc que 35% des mis en cause de la carte ne sont pas des élus, et nous rappellerons que 86% des élus français sont de simples conseillers municipaux qui n’ont bien souvent rien à voir là-dedans…*

Allons, cette carte n’a de toute manière pas vocation à être exhaustive ni représentative. Dans la tempête médiatique actuelle, on est même surpris de constater que la Sarthe fait partie des dix département vides…

La Sarthe : le pays où la corruption n'existe pas ?

La Sarthe : le pays où la corruption n’existe pas ?

*https://www.contrepoints.org/2016/08/22/41517-la-france-croule-sous-le-poids-de-ses-600-000-elus

Sources :

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http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/transparency-international-la-carte-de-france-des-corrompus_1630352.html

http://www.lemonde.fr/chronique-des-communs/article/2017/02/11/une-carte-collaborative-de-la-corruption-en-france_5078252_5049504.html