La crise migratoire européenne a déjà fait l’objet de plusieurs articles dans ce blog : sur les migrations, sur son coût humain, ou sur les camps d’enfermement. Elle a même fait l’objet d’une journée d’étude il y a un an « La géomatique dans l’aide aux réfugiés ».
Levi Westerveld apporte sa pierre à l’édifice des nombreuses cartographies existantes et conçoit une carte de ceux qui sont morts en mer : « Ceux qui ne sont jamais arrivés ». En reprenant les données du site themigrantfiles (voir notre article sur le coût humain des migrations) il se pose la question suivante : comment faire affleurer l’émotion par la carte ? Comment restituer la tragédie humaine que tous ces morts représentent ?
En même temps que sa carte, l’auteur nous laisse un article très intéressant, justifiant de tous ses choix ici : les pays de destination réduits à une ligne imaginaire, la mer rendue plus immense et plus vide, les pays de départ qui gardent leurs contours, les points qui chacun représentent une et une seule personne etc.
La datavisualisation est ici chargée d’une sémiologie dépassant le cadre propre à la géographie. Le commentaire de Levi Westerveld évoque la dimension performative que peut représenter un tel travail. « J’ai placé les points rouges un par un sur la carte », écrit-il ; et finalement, la présence même d’un commentaire contextualisant participe à l’émotion. On pourrait donc de fait se demander si un outil participatif (où l’observateur devrait lui-même considérer chaque point, relire chaque histoire) ne serait pas plus puissant qu’un outil consultatif.
En somme, Levi Westerveld nous offre ici, en même temps qu’une géovisualisation engagée, quelques réflexions essentielles sur la carte comme média, comme vecteur émotionnel.
Lien externe :
Levi Westervet, 2017, « Ceux qui ne sont jamais arrivés », une image du naufrage migratoire en Méditerranée