Démesure, nouvel eldorado, développement exceptionnel, oasis du luxe, ville artificielle, excès visuel et urbain, surdimensionnée, autant de termes qui désignent la ville de Dubaï aux Emirats Arabes Unis dans la presse généraliste comme dans la presse scientifique.
A l’approche de l’Exposition Universelle de 2020, dont le thème est « Connecter les esprits, créer l’avenir » (Connecting Minds, Creating the Future) incluant le sous thème de la durabilité, se pose la question de la légitimité de la ville à accueillir cet événement. La durabilité (ainsi que la soutenabilité) est un terme issu de la définition du développement durable qui est « un « développement » qui s’efforce de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures » (Rapport Brundtland, 1987).
Dubaï, la ville de la démesure
Dubaï est la ville qui met à rude épreuve l’idéologie du déterminisme géographique selon laquelle le développement d’une société dépend de son environnement qu’il soit physique ou biologique. En effet, toute droite sortie du désert, le village de pêcheurs d’autrefois est aujourd’hui un pôle économique et politique international. Bâtie d’abord sur l’exploitation de l’or noir et d’autres hydrocarbures (représentent 25% du PIB en 2012), la diversification des activités s’est vite imposée avec des investissements lourds dans l’immobilier, l’amplification du commerce et le développement du tourisme (11,6 millions de touristes en 2014).
Des constructions impressionnantes ont vu le jour telles que l’emblématique Burj Khalifa, plus haute tour du monde avec ses 828 mètres de hauteur ; le Burj al Arab, un des hôtels les plus luxueux du monde ; les Palm Islands, construction de trois archipels ex-nihilo (Palm Jebel Ali, Oalm Jumeirah et Palm Deira), et The World, archipel construit ex-nihilo également. Mise à part son architecture spectaculaire et son nombre impressionnant de gratte-ciel (plus de 500 en 2017), Dubaï propose également des activités insolites pour ses touristes telles que la pratique du ski en intérieur dans une station de sports d’hiver ou encore la visite d’un des plus grands aquariums du monde pour ne citer qu’elles. Dubaï entend continuer sa route toujours plus haute et toujours plus luxueuse, rivalisant ainsi avec les grands pôles touristique et s’imposant comme un pôle structurant du Moyen-Orient. Néanmoins, la question de la place des enjeux environnementaux et de durabilité dans cette ville, qui n’existait pas il y a un siècle, se pose aujourd’hui.
Un intérêt pour les enjeux de durabilité nécessaire mais tardif ?
Les contextes climatique (figure 1) avec moins de 10 cm de précipitations par an, et démographique avec 5 429 549 habitants en 2017 (dans l’aire urbaine de Dubaï selon populationdata.net), associés à une forte cadence d’étalement urbain et d’expansion de la ville imposent à la municipalité de prendre en compte les enjeux environnementaux.

Diagramme Ombrothermique, climate-data.org
En effet, en 2006, « les Emirats-Arabes-Unis étaient le pays à l’empreinte écologique par habitant la plus élevée du monde » selon le rapport Living Planet de WWF. De manière anecdotique, National Geographic nous informe que le volume d’eau de plusieurs centaines de piscines olympiques par jour est nécessaire pour combler les besoins de la ville. Un besoin difficile à garantir sur le long terme pour ce territoire dont la part d’eau issue du dessalement est élevée. La consommation en énergie, en espace et en ressource y est très forte et supérieure aux réserves de la ville à long terme si ce rythme se poursuit.
C’est au cours de l’année 2006 que les enjeux écologiques intégrèrent les projets d’aménagement. Tanzeed Alam, alors directeur de l’énergie et du climat à l’Emirates Wildlife Society affirme que « les dirigeants ont reconnu que la croissance de l’économie ne peut-être durable sans que des mesures soient prises en matière d’émission » (National Geographic). Il est vrai qu’il est difficile de concevoir la pérennité d’une société dont le revenu est basé sur des ressources finies et sur l’instabilité du commerce international. Ce sont donc deux objectifs qui se dessinent : réduire la dépendance de la ville vis-à-vis des énergies fossiles (intégrant également les questions de recyclage) et intégrer les enjeux écologiques aux stratégies d’aménagement des nouveaux ouvrages (le volet social du concept de durabilité n’est pas évoqué dans cet article par manque d’informations). Le cheikh Mohammed ben Rachid al-Maktoum, émir de Dubaï, a annoncé que « sa ville tirerait 75% de son énergie de sources propres d’ici à 2050 » et « il veut afficher la plus faible empreinte carbone du monde » (National Geographic). Le contexte géographique de la ville peut alors devenir un avantage. Par exemple, l’énergie solaire n’était pas exploitée jusqu’à présent, une perte colossale au vue du nombre de gratte-ciels et autres constructions qui sont idéals pour produire cette énergie.
Quelques réalisations concrètes
Nous pouvons citer le projet « Desert Rose City » dont les travaux ont commencé en 2014. Etalée sur 14 000 ha et entourée d’une ceinture verte, la ville abritera 160 000 résidents. Véritable projet de ville durable, elle produira 200 mégawatts d’électricité grâce à l’énergie solaire. Elle réduira également ses émissions de carbone et sera desservie par un réseau de transport durable. C’est en 2020 que les premières parties de la ville seront construites, elles serviront de prototypes au service de l’Exposition Universelle de 2020. Dans cette même idée, « Sustainable City » correspond aux objectifs de durabilité de Dubaï. La ville verte fonctionnelle livrée en 2018 avec 1000 foyers, des commerces et bureaux, est la première du genre aux E.A.U. L’eau y est recyclée sur place, l’énergie solaire y est produite et exploitée, l’ensemble du complexe étant pensé pour gaspiller le moins d’énergie possible (grâce à l’orientation des maisons par exemple). De plus, 11 serres en service assurent un service alimentaire quotidien. De nombreux autres ouvrages ont été réalisés tels que la construction du parc solaire « Mohamed bin Rashid Al Maktoum » qui sera opérationnel en 2030 ou encore l’installation de panneaux solaires sur les plages. Une véritable mutation s’opère dans l’espoir de viabiliser le développement de la société Dubaïote.
Nous pouvons en conclure que l’ensemble des prises de décisions et réalisations qui en ont suivis, concernant les enjeux environnementaux, crédibilisent l’effort de transition énergétique de la ville, et de fait, l’accueil de l’Exposition Universelle de 2020.
NB : Cet article n’a pas pu aborder l’ensemble des difficultés environnementales rencontrées par la ville et encore moins par le pays. De même quelques réalisations n’ont été que rapidement abordées, il ne s’agit que de pistes de réflexion à explorer.
(1) http://www.passion-gratte-ciel.com/GRATTE-CIEL%20DE%20DUBAI.htm
Bibliographie :
Al SerkalSenior Mariam, « Dubaï to be a green city by 2020 », 20 juin 2013, GulfNews ; URL : http://gulfnews.com/news/uae/environment/dubai-to-be-a-green-city-by-2020-1.1199879
Haouisee Clément, Dubaï + écologie, l’équation insoluble, 19 juillet 2016, L’objectif ; URL : http://www.lobjectifjournal.com/eacuteconomie/-dubai-ecologie-lequation-insoluble
Jensen Jon, « The Sustainable City: Is off-grid living the way forward for Dubai? », 15 juin 2017, CNN Style ; URL : http://edition.cnn.com/style/article/the-sustainable-city-dubai/index.html
Kunzig Robert, « Dubaï surgi du désert, l’émirat se rêve maintenant en cité durable modèle », octobre 2017, National Geographic, vol. 37, n°217
Staff Report, « Desert Rose City to bloom soon in Dubaï », 18 juillet 2016, GulfNews ; URL : http://gulfnews.com/news/uae/property/desert-rose-city-to-bloom-soon-in-dubai-1.1864694
Sitographie :
http://www.thesustainablecity.ae/
http://www.baharash.com/how-dubai-will-become-the-worlds-most-sustainable-city/
http://www.museumofthecity.org/project/dubai-and-sustainability/
https://www.visitdubai.com/fr/business-in-dubai/why-dubai/key-sectors/sustainability