Entre ouragans, sécheresses, incendies ou encore inondations, les catastrophes naturelles semblent gagner en intensité et en fréquence partout dans le monde. Cette prise de conscience se fait à la fois dans le monde scientifique mais aussi au sein de la société, l’enjeu est alors de rendre compte de cette exposition aux risques naturels et de la localiser.
C’est ce qu’a tenté de faire le journal Le Parisien en publiant une carte interactive d’exposition des pays du monde aux risques naturels (les tempêtes, les séismes, les inondations, les épisodes de sécheresse et la montée du niveau de la mer) basée sur les données du World Risk Report de l’Université des Nations Unies.
Faisons avant toute chose une parenthèse vocabulaire. Un risque naturel est le produit de la probabilité d’occurrence d’un aléa et ses conséquences potentielles. Autrement dit, « Les risques naturels résultent du croisement entre la probabilité qu’un phénomène destructeur se produise et les dommages possibles que ce phénomène pourrait entrainer sur des biens ou des personnes » (Leone et al, 2010). A la différence d’une catastrophe qui est un évènement de forte intensité et de forte ampleur engendrant des dégâts matériels, humains, environnementaux etc…
Informer le grand public
Dans le contexte expliqué précédemment, de nombreuses cartes statiques sont parues pour informer sur les risques naturels dans le monde telles que celles-ci :

Cartes des zones les plus peuplées et des risques naturels, tirée de Monde peuplement et risques naturels d’Alain Houot, 2009

Estimation du risque naturel selon une approche économique, tirée de « Comment mettre le risque en cartes ? (…) » de Cyril Bayet en 2000
Le Parisien a développé une carte interactive pour informer le grand public sur la question de la localisation et de la menace dans le monde. Ce qui est intéressant c’est qu’il s’agit d’une presse généraliste, une presse facilement accessible, qui donne à cette carte interactive une large audience. Dans cette idée d’accessibilité de l’information, nous remarquons que le vocabulaire utilisé est plutôt simpliste pour que l’information transmise soit aisément comprise par les lecteurs. Par exemple, le terme de « vulnérabilité » n’est pas tout de suite utilisé, il apparait d’abord sous la forme de définitions : « capacité à prévenir ces dangers et protéger population et infrastructures », « capacité à gérer le risque (…) et à l’absorber ». Néanmoins, les notions de résilience et même de résistance ne sont pas évoquées alors qu’elles sont centrales dans l’étude menée par l’Université des Nations-Unies. Force est de constater qu’en recherchant la simplicité, le sens des mots est mis à mal. La définition de ces termes est complexe et ne fait pas toujours consensus, néanmoins, les expliquer de manière plus approfondie aurait pu apporter des informations sur la donnée centrale qui est diffusée : l’exposition des pays du monde aux risques naturels.
Conception de la carte
La carte interactive est fondée sur les données issues du World Risk Report de l’Université des Nations Unis. Il y est calculé le niveau de menace pour 171 pays selon leur exposition aux risques (les tempêtes, les séismes, les inondations, les épisodes de sécheresse et la montée du niveau de la mer) et selon leur vulnérabilité. En cliquant sur un Etat, des données apparaissent : le rang selon la menace (de 1 à 177, le 1er étant le plus menacé), le score global WRI (Water Risk Indicator, acronyme qui n’est pas défini dans l’article), le taux d’exposition et le taux de vulnérabilité. Autant de données qui ne sont pas explicites pour un public non scientifique.
Il s’agit d’une carte choroplèthe avec une légende catégorisée selon :
- Risque maximum
- Risque important
- Risque présent
- Risque modéré
- Risque faible
- Pas de données

Capture d’écran de la carte interactive du Parisien
Cette catégorisation pose problème. Tout d’abord, la vulnérabilité est constituée d’un ensemble de facteurs difficiles à mesurer c’est pourquoi le croisement entre la probabilité de survenue d’un aléa avec la vulnérabilité du territoire exposé est un exercice extrêmement difficile à mener. Ainsi, on peut se demander comment ces données ont été traitées, un traitement qui n’est nullement expliqué dans cet article. Ensuite, parlons de cette catégorisation. On comprend assez rapidement qu’il s’agit d’une simplification intense de l’information : les titres seuils n’ont pas de lien entre eux : « risque faible » et « risque maximum » ; il est sous entendu que les territoires à « risque faible » n’ont, en réalité, rien à craindre avec ce coloris vert qui leur est attribué ; le coloris noir attribué aux Etats à « risque maximum » renforce l’impression que ce sont les seuls menacés ; ou encore la catégorie « risque présent » n’exprime aucune idée concrète puisqu’elle n’a rien à voir avec les autres catégories qui expriment quant à elles une intensité. Une modification de l’intitulé des classes et l’utilisation d’un camaïeu (de la couleur rouge par exemple, cette couleur exprimant le danger notamment) seraient des alternatives pour améliorer la compréhension de cette carte.
Pour conclure
L’article du Parisien est également constitué d’un graphique qui donne à voir les données sous une autre forme, plus parlante pour certains avec une indication pour la lecture des données. Ensuite, une analyse de ces données est faite avec, par exemple un titre qui est « l’Europe à l’abri ». Cet article grand public, issu de la presse généraliste, est un exemple de désinformation donnée par les médias. Sur un fond de prévention des risques et de prise de conscience apparaît une simplification qui nuit à la transmission de l’information. Dans ce contexte, il est essentiel de conserver son esprit critique à l’égard de la presse et autres publications hors de l’univers scientifique.
Sources
Bayet Cyril. Comment mettre le risque en cartes ? L’évolution de l’articulation entre science et politique dans la cartographie des risques naturels. In: Politix, vol. 13, n°50, 2000. Sport et politique. pp. 129-150
T.D.L. « Catastrophes naturelles : la carte du monde de la menace », Le Parisien, 11 septembre 2017. URL: http://www.leparisien.fr/environnement/nature/interactif-catastrophes-naturelles-la-carte-du-monde-de-la-menace-11-09-2017-7251885.php#xtor=AD-1481423553