Les mobilisations étudiantes sont nombreuses depuis quelques mois et ont pris un tournant ces dernières semaines avec de plus en plus d’étudiants concernés dans une dizaine d’universités. La mise en place de la sélection à l’entrée de l’Université avec la loi ORE (Orientation et Résussite des Etudiants) est la principale cause de ces mouvements, d’autres aspects du plan étudiant sont aussi dénoncés comme l’incohérence du budget dédié à l’enseignement supérieur ou encore la démotivation engendrée par la concurrence entre élèves. Entre assemblées générales (AG), blocages, manifestations, les expressions de mécontentement sont nombreuses et certaines d’entre elles ont pu être cartographiées.
Le « Plan étudiant » et la loi ORE promulguée le 8 mars dernier
Présenté lors d’une conférence de presse le 30 octobre 2017, le « Plan étudiant » a été promulgué le 8 mars dernier en réponse aux « dysfonctionnements rencontrés lors de la campagne d’admission dans le supérieur en 2017 et à la persistance d’un taux d’échec très élevé dans le premier cycle » (projet de loi ORE n°391). Les objectifs à atteindre sont les suivants : « mettre fin au tirage au sort, réduire un taux d’échec trop important en 1ère année de Licence, Renforcer l’orientation insuffisante et inadaptée, Mieux accompagner les élèves en prenant en compte leurs parcours et expériences, leur motivation et leurs projets, redonner du pouvoir d’achat aux étudiants » (L’étudiant, 2018). C’est par de nombreuses mesures (engagement du personnel universitaire dans la sélection des étudiants, fin du tirage au sort, instauration de deux semaines dédiées à l’orientation postbac dans les lycées…), et la mise en place de la plateforme ParcourSup qui remplace APB (Admission PostBac) pour la saisie des vœux d’orientation en études supérieures que le « Plan étudiant » devrait atteindre ses objectifs.
La représentation cartographique pour illustrer la colère grandissante des étudiants
Opportunité d’expression, au service de la transmission d’information, la carte est un outil qui permet de partager une analyse, un point de vue, un constat sur un événement, une thématique, un phénomène. La représentation cartographique a alors toute sa place dans le contexte de mobilisation contre le « Plan étudiant » actuel. En gardant à l’esprit qu’une carte est une production relevant de choix dans la méthode de représentation et des données présentées afin de servir un positionnement vis à vis d’une thématique et un objectif, plusieurs cartes sont présentées dans cet article : des cartes statiques et des cartes dynamiques (toutes les cartes produites sur ce sujet ne sont pas évoquées ici, seules les plus relayées ou originales le sont).
Des cartes statiques

Publiée par France Bleu sur https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/carte-grogne-des-etudiants-des-blocages-dans-plusieurs-universites-1522422910

Publiée par L’Humanité sur https://humanite.fr/universites-la-colere-monte-dans-les-facs-652941
Les cartes ci-dessus ont été publiées par des médias tous publics proposant une presse généraliste. Elles ont été publiées dans des articles datant du 30 mars 2018 et proposent un état des lieux de la mobilisation étudiante : les universités dans lesquelles les étudiants ont engagés une mobilisation et l’état de celle-ci (occupation, blocage, manifestation…). Ces deux cartes proposent une représentation différente d’une information qui semble pourtant similaire : le nombre d’Université représenté, les précisions relatives à la mobilisation et l’emprise de la sémiologie graphique ne sont pas les mêmes sur les deux cartes. Par des données chiffrées, une couleur criarde et des symboles imposants, la carte publiée par l’Humanité semble vouloir accentuer l’ampleur du mouvement dans la continuité du titre attribué à la carte, contrairement à celle de France Bleu qui apporte une information davantage localisée et plutôt simpliste dans sa représentation.
Une carte publiée sur le blog On n’est pas des moutons, qui propose des actualités pour les sympathisants du parti JL Mélenchon La France Insoumise, propose une lecture particulièrement orientée de cette mobilisation.

Tirée de https://fdg-info13.com/2018/03/31/point-de-la-mobilisation-etudiante/
Les informations représentées ne concernent pas essentiellement la manière dont les étudiants sont mobilisés, comme sur les cartes précédentes. L’approche est davantage politique et aborde la question de la violence de la mobilisation par le choix des données représentées, des couleurs et des figurés. Le nombre de villes concernées est plus important que sur les cartes précédentes, le phénomène semble être plus important avec un maillage resserré témoignant d’un mouvement à l’échelle nationale. L’information transmise par cette carte est alors complètement différente des deux cartes précédentes et démontre de l’importance d’appréhender une carte avec du recul et une réflexion propre en gardant à l’esprit que derrière une carte il y a un producteur.
Des cartes dynamiques
Des cartes interactives en ligne ont été constituées sous Google Maps. Contrairement aux cartes statiques, les cartes en ligne ont l’avantage de pouvoir être modifiées simplement et de proposer une information actualisée. Etant une mobilisation qui évolue rapidement, les cartes statiques peuvent rapidement présenter des informations erronées, elles doivent alors être refaites entièrement puis republiées. Aussi, les cartes statiques imposent de maîtriser des logiciels de cartographie tandis que les cartes interactives comme celles sous Google Maps sont davantage accessibles aux non cartographes. Cependant, la traçabilité de l’information est plus complexe avec les cartes en ligne, les nouvelles informations remplacent les anciennes et il est alors difficile de rendre compte de l’évolution des événements.
Deux cartes en ligne interactives sont présentées, l’une relayée par Le Journal Du Dimanche (Europe 1), l’autre par le Huffington Post (entre autre) :

« Mobilisations étudiantes », Lien sur l’article : http://www.lejdd.fr/societe/education/carte-universites-comment-la-contestation-etudiante-setend-3613763, capture d’écran de la version mise à jour le 30 mars

« La carte des facs bloquées, occupées ou sous tension », lien sur l’article : https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/30/la-carte-des-facs-bloquees-occupees-ou-sous-tension_a_23399268/, capture d’écran de la version mise en ligne le 30 avril
On remarque d’abord que ces deux cartes sont censées, selon leur titre, représentées des informations similaires. Pourtant, le nombre d’université impliquée dans la mobilisation n’est pas le même, la 1ère carte rend compte d’un nombre plus grand, la seconde procure l’effet de mobilisations très localisées et ponctuelles. Ces cartes étant interactives, elles proposent des précisions sur chacun des points localisés comme ci-dessous :

« Mobilisations étudiantes », Lien sur l’article : http://www.lejdd.fr/societe/education/carte-universites-comment-la-contestation-etudiante-setend-3613763, capture d’écran de la version mise à jour le 30 mars

« La carte des facs bloquées, occupées ou sous tension », lien sur l’article : https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/30/la-carte-des-facs-bloquees-occupees-ou-sous-tension_a_23399268/, capture d’écran de la version mise en ligne le 30 avril
Comme le montre les captures d’écran précédentes, pour le même site (Université Panthéon-Sorbonne site PMF Tolbiac), les descriptions sont plus ou moins précises et sont illustrées par des photographies montrant des événements différents qui ont eu lieu pendant la mobilisation et qui semblent définir l’Université dans cette mobilisation. Ces cartes sont intéressantes car montrent l’usage qui peut être fait de cet outil Google et proposent des données qui peuvent être plus précises que celles présentées par les cartes statiques dont l’importance de la clarté et de la lisibilité limitent les précisions (autant dans l’illustration par des photographies que dans les informations textuelles).
La carte publiée par Liberation clôt cette présentation des diverses représentations cartographiques de la mobilisation étudiante. Il s’agit ici d’une carte dynamique et interactive qui présente la temporalité de la mobilisation. Cette approche originale décline l’évolution du mouvement depuis le 5 mars en représentant l’intensité de la mobilisation des étudiants au sein de leur université. Cela permet de montrer que la mobilisation a tendance à s’étendre et à s’intensifier avec de plus en plus d’établissements mobilisés. Le véritable avantage est que cette carte est mise à jour régulièrement et une liste est jointe pour préciser les activités sur chacun des lieux et renvoi vers d’autres pages web pour des informations supplémentaires. Cela propose une représentation originale de l’information ainsi qu’un suivi de l’ampleur du mouvement. Cependant, les cartes dynamiques présentées, qu’elles soient interactives ou non, semblent moins permettre au producteur d’exprimer son point de vue comme le permet les cartes statiques.

Publié sur http://www.liberation.fr/apps/2018/03/universite-facs-mobilisees/
Concernant le « Plan étudiant », les mécontentements liés à la loi ORE et particulièrement à la sélection à l’Université ne sont pas exprimés uniquement par les étudiants. Le corps enseignant et le personnel des Universités plus généralement s’expriment en refusant, par exemple, de soumettre les dossiers des bacheliers 2018 à des critères de sélection. Une liste exhaustive des établissements ou UFR qui se sont exprimés en ce sens est sur ce lien. Le nombre de structure est plus important que celui des universités abritant des mobilisations étudiantes et l’effet d’un phénomène localisé est alors atténué. Une cartographie de cette liste pourrait être faite et mettrait en avant un autre acteur de l’enseignement supérieur que les étudiants et une autre emprise du refus de cette nouvelle loi. Le mouvement tend à se modifier et à s’amplifier partout en France.
D’ici quelques jours, les cartes ne seront plus les mêmes, certaines seront obsolètes et de nouvelles seront constituées. Cet exemple de thématique montre une facette de la représentation cartographique et son intérêt. Une représentation visuelle est parfois plus parlante qu’une simple liste mais peut engendrer des interprétations différentes selon le lecteur voir même des informations différentes de la réalité. Confronter des cartes, en savoir plus sur le contexte de production, sur la date de production sont autant d’informations indispensable pour appréhender une carte. Enfin, il faut noter que cet article présente une synthèse des conclusions que l’on peut tirer de ces cartes, l’analyse pourrait être (et doit être) davantage poussée et mise en contexte, l’objectif n’était que de présenter une utilisation originale de la cartographie qui sort de sa commune utilisation.
Bibliographie :
Arrigoni Germain, 30 mars 2018, « CARTE – Grogne des étudiants : plusieurs universités bloquées, occupées ou sous tension », France Bleu
URL : https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/carte-grogne-des-etudiants-des-blocages-dans-plusieurs-universites-1522422910
Boisselier Alexis, 30 mars 2018, « Universités : comment la contestation étudiante s’étend », Le Journal du Dimanche
URL : http://www.lejdd.fr/societe/education/carte-universites-comment-la-contestation-etudiante-setend-3613763
O.CHARTRAIN, L.MOULOUD, 30 mars 2018, « Universités. La colère monte dans les facs », L’Humanité
URL : https://humanite.fr/universites-la-colere-monte-dans-les-facs-652941
Frouillou Leila, 17 janvier 2018, « Sélection à l’université : de la reproduction sociale à l’exclusion », Libération
URL : http://www.liberation.fr/debats/2018/01/17/selection-a-l-universite-de-la-reproduction-sociale-a-l-exclusion_1622796
Quenet Marie, 14 janvier 2018, « Parcoursup : ce que va changer le nouveau système d’entrée à l’université », Le Journal du Dimanche
URL : http://www.lejdd.fr/societe/parcoursup-ce-que-va-changer-le-nouveau-systeme-dentree-a-luniversite-3545471
Mariannick Laurence, 2 avril 2018, « Vous n’êtes pas seuls : voici une liste de départements ou d’UFRs ayant décidé de ne pas sélectionner ni classer les candidatures des lycéens (màj 3 avril 2018) », Sauvons l’Université
URL : http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article8184
Morao Pablo, 2 avril 2018, « Sélection. Radicalisation du mouvement étudiant », Révolution permanente
URL : https://www.revolutionpermanente.fr/Face-a-la-selection-une-evidente-radicalisation-de-la-mobilisation-etudiante
Sud Ouest, 8 mars 2018, « Sélection à l’université : la nouvelle loi entre en vigueur vendredi »
URL : http://www.sudouest.fr/2018/03/08/selection-a-l-universite-la-nouvelle-loi-entre-en-vigueur-vendredi-4262929-4699.php
https://fdg-info13.com/2018/03/31/point-de-la-mobilisation-etudiante/
http://www.liberation.fr/apps/2018/03/universite-facs-mobilisees/
http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0391.asp
http://www.education.gouv.fr/cid122039/plan-etudiants-accompagner-chacun-vers-la-reussite.html