Du planisphère au globe, Google Maps se refait une beauté avec la 3D


Qualifiée de « révolution » (France Info, 2018) ou de « changement nécessaire » (Numerama, 2018), une des mises à jour du service de cartographie en ligne Google Maps (version Desktop) de cet été s’est faite discrète. Pourtant, elle bouleverse la vision que l’on a sur notre monde et qu’elle véhicule depuis 2004. Depuis le début du mois d’août, nous pouvons voir qu’à petite échelle (en dézoomant la carte) le monde n’est plus représenté par un planisphère mais par un globe en 3Dimensions. Comme le mentionne Guillaume Marchand dans son article (National Geographic, 2018), ce changement est « moins anodin qu’il n’y paraît ».

 

1. L’abandon du planisphère et de sa projection cartographique de Mercator

Les projections cartographiques sont des mises à plat de notre monde dont la réalité est une sphère imparfaite puisqu’aplatie aux  pôles. Indispensable pour décrire le globe sur une surface plane, la projection ne peut se faire sans distorsion de cette réalité questionnant ainsi depuis des siècles les cartographes. Véritable difficulté, seule la représentation en globe lui est fidèle quelque soit le point étudié. Différentes projections ont été construites au fil du temps, nommées pour la plupart par les scientifiques qui les ont crées. Elles sont catégorisées selon les déformations engendrées (conforme, équivalente, aphylactique…) ou selon leurs propriétés géométriques (azymutale, cylindrique, conique…). Le choix d’une projection cartographique ne peut alors être anodin. En effet, altérant la réalité, elles sont scrupuleusement choisies par les concepteurs de carte selon leurs besoins, leurs objectifs ou l’intérêt visé : besoin de se repérer exactement, de naviguer, de mettre en avant une idéologie, de mettre un territoire en évidence… Par exemple, en France métropolitaine il est admis depuis l’an 2000 que la représentation officielle des administrations doit se faire en projection conforme Lambert 93, alors que les Etats-Unis utilisent davantage la projection Albers, plus adaptée à la configuration du pays.

La gravure ci-dessous de Charles H. Deetz de 1921 propose un exemple impactant sur la déformation de la réalité engendrée par la mise à plat du globe.

 

Particulièrement, la quatrième représentation est celle de la projection cartographique de Mercator. Celle-ci était (« est » pour les versions sur smartphone) celle utilisée par Google Maps. Si celle-ci a l’avantage d’être fidèle aux angles et de permettre ainsi la navigation maritime et aérienne, elle présente entre autre le défaut de l’irrespect des surfaces des continents. La distorsion se fait alors de l’équateur vers les pôles soit du centre du visage aux extrémités sur la gravure. En conséquence, c’est une vision faussée de la taille réelle des continents qui est proposée. Le Groenland semble être plus étendu que le continent africain alors que celui-ci est, en comparaison, 14 à 15 fois plus grand. Aussi, il faut noter que la projection cartographique de Mercator impose une fragmentation du monde au niveau de l’océan Pacifique pour les cartes européano-centrées. Le globe dépasse cette difficulté de retranscription de l’immensité de cet océan et de la proximité des terres asiatiques avec les terres américaines par exemple.

Petite échelle de Google Maps, projection cartographique de Mercator

 

2. Une incidence politique, des dégâts collatéraux ?

Cette vision plus réaliste de la Terre présente des enjeux qu’il faut relever notamment du fait que la carte ait été créée dans un premier temps pour être un support et un outil d’expression de la vision du monde du commanditaire.

Notons d’abord que Google Maps est le service de cartographie en ligne le plus répandu, utilisé par nombre de sites internet, d’applications pour Smartphone et comme fond de carte par de nombreux acteurs. Dans ce contexte, ce service forge la vision du monde d’une partie non négligeable de la population mondiale. Autrement dit, bon nombre de personnes sont habituées à voir l’occident plus imposant que le reste du monde ou a contrario de voir l’Afrique comme une entité plutôt négligeable au vue de sa superficie. C’est donc un changement de paradigme qu’opère Google Maps en délaissant la projection de Mercator, plutôt avantageuse d’un point de vue politique pour les terres de l’hémisphère nord et affirme une position plus neutre, sans rapport de force entre les diverses parties du monde et plus juste en termes géométriques.

Seconde conséquence de cette mise à jour, elle affirme son rejet de la  théorie platiste selon laquelle la Terre serait plate. Les « platistes » ou « flat earthers » sont une minorité mais ils sont tout de même nombreux avec, par exemple, 9% des français qui pensent « possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école » selon une étude de l’Ifop pour l’institut Jean Jaurès et l’Observatoire Conspiracy Watch. Des théories farfelues envahissent la toile et la théorie du complot est toujours d’actualité pour certains. Certaines célébrités ont rejoint ce mouvement comme le rappeur américain B.O.B ou le joueur de la NBA Shaquille O’Neal. Plus déterminé que d’autres, l’américain Mike Hughes a construit sa propre fusée pour aller vérifier par lui-même sa théorie platiste et même si sa tentative s’est avérée infructueuse, elle ne l’a pas découragé dans sa quête.

 

3. Un voyage dans l’espace avec Google Maps !

Le globe peut être visualisé schématiquement par une succession de plan ou par des images satellites comme le démontre ces deux captures d’écran ci-dessous. A noter que les images satellites sont mises à jour régulièrement comme nous pouvons le voir avec l’arrivée du typhon Jebi sur les côtes asiatiques.

Vision sur plan, capture d’écran (2018)

Vision par images satellites, capture d’écran (2018)

La vision satellite donne une possibilité intéressante puisque, si vous continuez de dézoomer, c’est un voyage dans l’espace que Google Maps propose ! Entre observation de planètes, de satellites et de la Station Spatiale Internationale, c’est une visite des plus impressionnantes sous le rythme nycthéméral.

 

Pour conclure

Les limites des projections cartographiques sont nombreuses et dépassées par la représentation sphérique. Le globe terrestre est une alternative efficace pour une représentation de la réalité qui soit optimale. Cette mise à jour ne bouscule pas significativement l’utilisation de la cartographie en ligne pour les utilisateurs notamment s’ils observent le territoire à grande échelle. Néanmoins, de manière inconsciente ce changement peut impacter durablement leur vision du monde puisqu’ils n’ont pas conscience des problématiques des projections et de la manipulation à laquelle ils peuvent être sujets.

La diffusion de la représentation en globe du monde sur le web est encore peu fréquente et peu habituelle. Entre problèmes techniques de fluidité de la consultation ou difficultés d’utilisation pour des utilisateurs peu habitués qui ne parviennent pas à se repérer, la représentation en globe soulève des enjeux importants à prendre en compte et qui seront à soulever.

 

Bibliographie 

  • Beguin Michèle, Pumain Denise, 1994, La représentation des données géographiques. Statistique et cartographie, A.Colin

 

  • Breteau Pierre, « Pourquoi les cartes géographiques sont forcément (un peu) mensongères », 20 octobre 2015, Le Monde

URL : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/10/20/pourquoi-les-cartes-geographiques-sont-mensongeres_4793301_4355770.html

 

  • Franceinfo, « Etats-Unis : un homme décolle dans sa propre fusée pour prouver que la Terre est plate », 27 mars 2018

URL : https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-un-homme-decolle-dans-sa-propre-fusee-pour-prouver-que-la-terre-est-plate_2676612.html

 

  • Franceinfo, « Google Maps échange son planisphère contre un globe pour mieux représenter le monde », 03 août 2018

URL : https://www.francetvinfo.fr/internet/google/google-maps-echange-son-planisphere-contre-un-globe-pour-mieux-representer-le-monde_2880209.html

 

  • Marchand Guillaume, « Google Maps passe du planisphère au globe, pour une vision plus réaliste de la Terre », 6 août 2018, National Geographic

URL : https://www.nationalgeographic.fr/sciences/2018/08/google-maps-passe-du-planisphere-au-globe-pour-une-vision-plus-realiste-de-la

 

  • 20Minutes, «Google Maps : La Terre enfin représentée par un globe en 3D, fini le planisphère », 07 août 2018

URL : https://www.20minutes.fr/high-tech/2318467-20180807-google-maps-terre-enfin-representee-globe-3d-fini-planisphere