Strava, l’application très connue auprès des sportifs, n’est pas qu’une simple application GPS qui permet d’enregistrer son activité sportive quotidienne. Elle cache un jeu de données impressionnant grâce à ce qu’elle récolte auprès de ses athlètes. Un enjeu de Big data se dégage car l’entreprise publie chaque année le résumé des activités sportives sur son site, notamment par le biais de cartes.
Un outil
Strava, l’application qui va transformer vos entraînements en compétition, est un nouvel outil pour les sportifs qui souhaitent s’améliorer. Strava devient le nouveau carnet d’entrainement des amateurs et des professionnels. Chaque activité est enregistrée, analysée et découpée, soit en fonction du dénivelé, de la vitesse, du temps, et de la fréquence cardiaque moyenne, ce qui donne aux sportifs un résumé précis de leurs sessions.
Capture d’écran de Strava sur mobile
Depuis quelques années, l’application installée sur des milliers de smartphones et GPS, est devenu l’outil indispensable pour pouvoir partager ses activités sur un vélo, en courant, en nageant mais aussi sur des skis. L’entreprise considère chaque inscrit comme un athlète et ne fait pas de différence entre un amateur et un professionnel. Toute personne ayant accès à l’application peut donc analyser l’effort d’une personne lambda jusqu’à celui d’un champion du monde de vélo. Strava va devenir le « Facebook » des athlètes, puisque vous avez des amis, des groupes, que vous pouvez poster des activités avec commentaires et photos, identifier vos amis lors de sessions et même vous obtenir des « kudos » (le « J’aime » de l’application Strava), qui signifient en grec « la gloire et le renom » découlant d’une action réussie. Cela devient donc l’outil phare des sportifs en quête de technologie.
Les segments
De ce premier point de vue, l’application semble assez banale dans la catégorie des autres réseaux sociaux. La fonctionnalité qui fait l’innovation de l’application est la création de segments. Chaque utilisateur peut, via l’aide d’un explorateur Google maps, faire d’une partie de son parcours une « référence », qui sera par la suite accessible par tous les utilisateurs comme étant un temps à battre.
Capture d’écran de la création de segment sur la version web
Cela met donc l’application dans un sens collaboratif, car il est possible de comparer ses performances par rapport à celles des autres utilisateurs sur ce dit segment. L’application a donc mis en place un système permettant d’évaluer en continu ses performances et de se mesurer à celle des autres. Cela donne un objectif supplémentaire aux utilisateurs qui deviennent « des chasseurs de KOM » (traduisez « King of the Mountain »). Avoir un KOM, c’est avoir, par définition, à l’heure actuelle, le meilleur temps de passage sur un segment. Strava est la première application à créer une compétition internationale et dématérialisée via l’aide de données géographiques fournies gratuitement par les utilisateurs.
Capture d’écran d’un classement du segment de l’Alpe d’Huez sur la version mobile
Big Data
Nous avons vu que l’application permet d’enregistrer ses activités sportives sous forme GPS, où chaque athlète a une base de données sur ses performances dans plusieurs thèmes : vitesse moyenne, allure, altitude, puissance, fréquence cardiaque… L’entreprise Strava récolte donc des milliers de données fournies par les sportifs qui utilisent l’application.
Pour donner une idée, les données représentent (d’après les informations de Strava) :
- Plus de 700 millions d’activités
- 10 téraoctets de données d’entrée brutes
- Une distance totale de plus de 16 milliards de kilomètres
Ces données, qui sont phénoménales à l’échelle mondiale, sont mises en ligne chaque année par Strava gratuitement et en libre service sous forme de Heat maps (carte de chaleur) via le site : https://www.strava.com/heatmap.
Capture d’écran de la carte mondiale des activités de Strava
Évidemment il en est pas sans cause qu’une publication de telles données pourrait provoquer des problèmes sans même en vouloir. L’application en a notamment fait les frais après la publication de ses cartes de chaleur, qui montrent les activités des athlètes géolocalisés. Cette publication laisse en effet apparaître des bases militaires dont les localisations sont censées être ignorées par le grand public. Il s’avérait pourtant être de simples militaires qui s’entraînaient au sein de la base et qui partageaient leurs exploits sur l’application. Ces découvertes ont été mises en évidence par Nathan Russer sur Twiter, un étudiant australien qui s’intéresse à la sécurité internationale.
Exemple ci-dessous de découvertes de bases militaires et positions grâce aux données de Strava
Mouvement des soldats sur la base aérienne Américaine de Bagram en Afganistan
Position de soldats américains et leurs alliés auprès de Mossoul en Syrie
Par cet exemple, il est possible de s’interroger sur l’utilisation de nos données localisées et y voir un enjeu sécuritaire. Cependant, nous laissons à disposition nos activités géolocalisées en laissant nos GPS de smartphone activités… Alors, à qui la faute revient-elle ? Tout bêtement, nous acceptons des conditions d’utilisations d’applications. Effectivement, le degré de confidentialité, lorsque l’on donne accès à nos données personnelles sur des réseaux sociaux, peut-être réutilisés à d’autres fins.
Dans d’autres sens, la publication de données quotidiennes des sportifs de l’application Strava démontre un enjeu stratégique. Ces données permettent d’avoir accès à des critères sur les utilisateurs et de mieux les connaître. Pour les grands pôles urbains, cela est même devenu un outil stratégique important pour la prise de décision, notamment dans des choix d’aménagement, afin de mieux répondre à des besoins collectifs.
En 2014, Strava a été le premier fournisseur de données localisées pour le département des transports de l’Oregon aux Etats-Unis. La ville de Portland a utilisé les données de l’application pour mieux connaître les besoins et les pratiques de ses cyclistes et piétons pour adapter son aménagement en termes de politiques de transports urbains. Je vous invite d’ailleurs à lire l’article de Sylvain Genevois « Big data et choix d’aménagement urbain pour les piétons et les cyclistes » qui explique en quoi les données de Strava peuvent servir à une amélioration du partage des routes en zone urbaine.
Pour conclure, Strava est un outil qui devient de plus en plus indispensable aux sportifs qui sont à jour sur les technologies. Son sens compétitif entre sportifs a fait que cette application est très appréciée actuellement. Sa popularité donne des jeux de données très importants et offrant différents enjeux. Entre controverses des données publiées par Strava, l’enjeu sécuritaire a fait beaucoup parler de lui dans l’actualité des publications de l’application mais offre aussi auprès de certaines villes un enjeu stratégique.