Dans un article publié en mai 2019 dans la revue scientifique PLOS ONE, des chercheurs en paléontologie ont utilisé la géomatique pour modéliser les routes utilisées par nos ancêtres sur les 70 000 dernières années lors des migrations de l’Afrique vers l’Eurasie. Grâce à des données topographiques et climatiques de l’époque et à l’aide de deux scénarios, l’étude identifient de nouvelles voies potentielles.
Méthodologie
L’étude se sert du modèle SIG du « chemin à moindre coût » (least cost path) pour modéliser les chemins les plus facilement empruntables en fonction du nivelage du terrain et des conditions météorologiques. En utilisant des jeux de données des lacs, glaciers et climats portant sur portant sur les ères datant des 70 000 dernières années, il a ainsi été possible de reconstituer de nouvelles voies potentielles.
L’étude se base sur deux cartes paléogéographiques pour tester les chemins à moindre coût. La première simule le climat glaciaire sec (dry glacial climate) en se basant sur les données du Worldclim, un jeu de données estimant les impacts climatiques sur les glaciations de la région. La deuxième se fondent sur les ères « interstadiales », périodes de réchauffement climatique rapides qui auraient permis à Homo Sapiens de traverser certaines zones impraticables auparavant. Le SIG a ainsi permis de spatialiser des données archéologiques, paléontologiques, climatiques et géographiques pour mettre en œuvre l’analyse des tracés à travers le temps. « Nous avons pris en compte les données climatiques et les caractéristiques géographiques dans les modèles SIG pour les glaciaires (périodes au cours desquelles les calottes glaciaires étaient les plus étendues) et les interstadiaux (périodes de retrait de ces calottes glaciaires) afin de vérifier si le déplacement des humains varie en fonction de la présence de ces barrières environnementales » selon Nils Vanwezer, un des chercheurs. Les chercheurs ont aussi utilisé la carte topographique HYDROK1 qui digitalise l’élévation des sols au km² pour calculer les pentes. Cela a permis de faire ressortir les « coûts de surface » les moins élevés qui constituent des voies potentielles.

Les routes modélisées par l’étude, LI, F. & Al.
Conclusions de l’étude
En couplant ces multiples données, il en ressort que des voies considérées comme impraticables auraient en réalité pu l’être en Asie Centrale. « Au cours des dix dernières années, diverses preuves sont apparues qui suggèrent que les zones considérées comme inhospitalières aujourd’hui pourraient ne pas l’avoir toujours été par le passé » (Moshnaly). « Nos travaux précédents en Arabie saoudite et dans le désert du Thar en Inde ont permis de mettre en évidence le fait que des enquêtes dans des régions auparavant négligées peuvent donner de nouvelles informations sur les voies et les adaptations humaines » (Petraglia). Et en effet, 3 routes sont apparues dans les résultats de l’étude, Altai, Tian Shan et Tarim. Les chercheurs précisent qu’il faudrait affiner les modèles paléoenvironnementaux pour appréhender plus précisément les routes dégagées renforcer les hypothèses.

Illustration des routes issues de l’analyse du moindre coût (idem)
Bibliographie
MOSHINALY, H., PLOS ONE. (2019) https://actualite.housseniawriting.com/science/archeologie/2019/05/30/les-humains-ont-emprunte-les-routes-migratoires-du-nord-pour-atteindre-lasie-orientale/29265/
LI, F. & Al (2019) https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0216433