Lorsqu’il s’agit de tremblements de terre, chaque minute compte. Savoir qu’un tremblement de terre a frappé (et où) peut faire la différence dans les comportements à adopter: à savoir rester à l’intérieur d’un bâtiment et se faire écraser ou s’échapper et rester en vie. Ce type d’informations peut également s’avérer vital pour les premiers intervenants.
Cependant, la rapidité des systèmes d’alerte précoce varie d’un pays à l’autre. Au Japon et en Californie, d’énormes réseaux de capteurs et de stations sismiques peuvent alerter les citoyens d’un tremblement de terre. Mais ces réseaux sont coûteux à installer et à entretenir. Les pays sujets aux tremblements de terre, tels que le Mexique et l’Indonésie, n’ont pas de système aussi avancé ni aussi répandu.
Un moyen efficace et peu coûteux d’aider à combler ce fossé entre les pays consiste peut-être à collecter des données dits en « crowdsourcing » (qui pourrait se traduire par production participative) sur les séismes et à les associer à des données de détection traditionnelles provenant de stations de surveillance sismique.
Un article de Science Advances datant d’avril 2019 décrit un exemple de récolte de données en crowdsourcing dans le contexte européen.
Ces données proviennent de trois sources principales:
– les tweets faisant référence à des mots-clés liés aux tremblements de terre
– l’heure et l’adresse IP associées aux visites sur le site Web du CSEM (Centre Sismologique Euro-Méditerranéen) : cette approche se base sur le constat que les tremblements de terre ont généré d’énormes flux vers le site Web du CSEM
– les informations soumises à l’aide de LastQuake, une application créée par le CSEM: lorsque cette dernière a identifié un tremblement de terre présumé, il envoie des alertes via l’application, demandant aux utilisateurs à proximité de plus amples informations: images, vidéos, descriptions du niveau de tremblements, etc. pouvant aider à évaluer le niveau de dommage.
La mobilisation de l’ensemble de ces données aboutit à une nouvelle approche visant à améliorer les performances des réseaux sismiques, appelée CsLoc (Crowdseeded Seismic Location)

Schéma explicatif de la méthode CsLoc, associant données en crowdsourcing et données sismiques ; Source: Science Advances
Dans de nombreux cas, il faut plusieurs minutes après un séisme pour obtenir des publications en ligne fiables sur un site sismique. Grâce à cette forme de surveillance spécifique dû à l’utilisation accrue des sites Web, des applications ou de Twitter, la détection externalisée de l’activité sismique peut être utilisée pour alimenter la recherche dans les données sismiques et réduire le risque de fausses détections, accélérant ainsi la publication sur la localisation pour les tremblements de terre ressentis.
D’après l’article de Science Advances, lorsque la méthode CsLoc a été mobilisé de manière rétrospective aux tremblements de terre survenus en 2016 et en 2017, les détections effectuées par le système participatif en soi étaient précises à 85%. La combinaison de la technique avec les données sismiques traditionnelles a augmenté la précision à 97%. Le système de crowdsourcing était aussi plus rapide, environ 50% des localisations sismiques ont été trouvées en moins de deux minutes, soit une minute de moins que les données fournies uniquement par un réseau sismique traditionnel.
Cette fusion de différentes sources de données (ressources participatives et ressources instrumentales) ouvre une nouvelle voie dans ce que l’article appelle « la science citoyenne » (« citizen science ») dans laquelle l’engagement du public devient un outil d’amélioration des résultats scientifiques. À travers cette exemple du CsLoc, il n’est pas impossible qu’une telle approche s’applique à l’échelle mondiale améliorant ainsi, par une collaboration élargie, la prévention liée aux risques sismiques.
Sources:
Jee Charlotte, « Crowdsourced reports could save lives when the next earthquake hits », le 3 avril 2019, MIT Technology Review
https://www.technologyreview.com/s/613257/crowdsourced-reports-could-save-lives-when-the-next-earthquake-hit
Steed Robert J., Fuenzalida Amaya, Bossu Rémy, Bondár István, Heinloo Andres, Dupont Aurelien, Saul Joachim, Strollo Angelo, « Crowdsourcing triggers rapid, reliable earthquake locations », le 3 avril 2019, Science Advances
https://advances.sciencemag.org/content/5/4/eaau9824