L’historien de l’espace urbain Jean-Luc Pinol enrichit la portée du « Mémorial de la déportation des juifs de France » en en proposant une traduction spatiale.
La connaissance de l’extermination des juifs sous l’Occupation a franchi un cap décisif avec la publication, en 1978, du Mémorial de la déportation des juifs de France par Serge Klarsfeld, un ouvrage recensant avec précision les déportés , et le mode opératoire des nazis dans un but judiciaire et mémoriel. En effet, alors que se rapprochait enfin la perspective du procès des dirigeants nazis ayant supervisé l’extermination des juifs d’Europe, il a fallu à l’historien et avocat qu’ils puissent être jugés « et que soit affirmée la présence des victimes, de toutes les victimes ».
Les Mécanismes de la persécution
Ce travail constitue un matériel historique de grande valeur permettant de mieux comprendre la logistique de la Shoah en France. Ce fichier de 78 000 noms permet en effet de croiser les données biographiques (âge, lieu de naissance) avec les dates d’arrestation, les camps d’internement, les numéros des convois.
Un croisement qui trouve désormais sa traduction statistique et visuelle. Ce dernier, issu du monde anglophone, consiste à tenir compte de l’espace comme d’une variable d’analyse à part entière des phénomènes étudiés. Suivant cette démarche, le livre déploie dans un abondant appareil de cartes bien conçues, en variant les échelles, les logiques de la persécution, telles qu’elles ont évolué dans le temps et sur le territoire : premières arrestations, effets des grandes rafles, illusion de sécurité au sud de la ligne de démarcation, intensification de la traque en 1943-1944. Autant d’étapes bien connues que la mise en évidence cartographique des faits permet de visualiser autrement.
Ces données possèdent une représentation visuelle dans Convois, de Jean-Luc Pinol, un historien de l’espace urbain, acteur du « tournant spatial » en sciences sociales qui consiste à prendre en compte l’espace dans l’analyse de phénomènes sociaux. Ainsi le livre via des cartes variant les échelles montre les dynamiques et logiques de la persécution, des premières arrestations jusqu’aux camps de la mort mais aussi les illusions de sécurité des déportés ou l’intensification de la traque de 1943 à 1944. Par conséquent il est possible d’avoir une représentation spatiale précise d’un des plus tragiques évènements de l’histoire de l’humanité .