A Marseille, une cartographie citoyenne contre le mal logement


Le 5 novembre 2018, l’immeuble du 63 rue d’Aubagne s’est effondré dans le centre de Marseille. Cet incident a conduit à un débat sur l’état du logement dans la ville. Depuis, les numéros 63, 69 et 71 ont succombé, eux aussi victimes d’un état de délabrement avancé.

Un an après le drame, des centaines de Marseillais ont rejoint les rues pour manifester leur mécontentement et leur ras-le-bol, d’autant plus que l’affaire a par la suite révélé que plusieurs immeubles insalubres de la cité phocéenne appartenaient à des élus locaux.

 

La collecte de données par La Marseillaise : projet citoyen et enquête journalistique

Le 19 novembre 2018, soit seulement deux semaines après le premier effondrement, près de 850 Marseillais ont dû quitter quelques 102 bâtiments dans le cadre d’évacuations. A la fin de l’année 2018, alors que la mairie refusait de rendre accessible la liste des immeubles touchés par ces mesures d’évacuation dont le nombre ne cesse de croître. Plusieurs organismes s’organisent afin de mettre en lumière la situation du logement.

Ainsi, le quotidien La Marseillaise adresse aux habitants une enquête, relayée sur les réseaux sociaux le hashtag #BalanceTonTaudis. Cette initiative s’accompagne d’un formulaire en ligne permettant aux habitants de signaler les logements insalubres. Ce projet participatif s’inscrit ainsi dans une initiative citoyenne. Son objectif est de fournir aux habitants les moyens de communiquer sur une situation illégale. A terme, le journal espère qu’il forcera les pouvoirs publics à prendre des mesures effectives et immédiates pour remédier au problème.

Eddie Jacquemart, Président de la Confédération Nationale du Logement, souligne d’ailleurs que si l’initiative visait initialement à critiquer le cas marseillais, le projet a pris une toute autre ampleur. En effet, ce sont des Français venant des quatre coins de l’hexagone qui ont eux aussi pris part à cette enquête, en reprenant notamment le hashtag afin de dénoncer des conditions de vie insalubres.

 

Exploitations des alertes reçues par le quotidien

La carte de La Marseillaise a été réalisée grâce à une application Esri. Elle reprend les signalements envoyés au journal. Disposant d’une loupe, elle permet de voir les signalements par symboles uniques, ou alors par cercles proportionnels selon le lieu concerné par ces signalements. Cette carte met en évidence l’étendue du mal logement à Marseille. Elle est accessible ici.

 

Carte du logement insalubre réalisée par La Marseillaise.

 

Une seconde carte, portant elle sur les évacuations d’immeubles, a également été réalisée grâce aux informations recueillies. L’ensemble des données peut être retrouvé ici.

 

Carte des évacuations répertoriées à Marseille, réalisée par La Marseillaise

Carte des évacuations répertoriées à Marseille, réalisée par La Marseillaise.

 

Une initiative novatrice ?

La réalisation de cartes pour diffuser une information que les autorités refusent de diffuser n’est pas complètement inédite. Pour autant, la démarche de La Marseillaise est assez pertinente, dans la mesure où contrairement à d’autre initiatives déjà existantes, les données sont collectées via des signalements. Le journal n’a donc pas réalisé la collecte directement. Les données recueillies proviennent de signalements de citoyens et dans certains cas, d’associations locales. Dans le cas de Marseille, d’autres cartes ont été produites sur la situation du mal logement. C’est notamment le cas ce celle-ci, réalisée par des universitaire géographes en collaboration avec … La Marseillaise.

La multiplication des types de données et des supports employés semble ici souligne de façon très évidente l’inaction des pouvoirs publics. L’action de l’hebdomadaire permet de palier au manque de données officielles, c’est-à-dire fournies par la mairie, pour constater l’état du logement. Ces initiatives ont un double enjeu. Tout d’abord, la production d’une donnée qui n’est pas communiquée par les pouvoirs publics. Dans un second temps, la mise à disposition des données collectées afin de mettre en lumière l’étendue des dégâts. Enfin, la variété des acteurs ayant permis ce projet (géographes, universitaires, citoyens) constitue un creuset relativement inédit, et particulièrement pertinent pour le contexte marseillais.

 

 

 

Sources :