Le 11 mai, date du début du déconfinement approche, mais la lutte contre l’épidémie est loin d’être terminée. Dans cette perspective, un projet d’application mobile StopCovid a été mis en place par le gouvernement pour tracer les déplacements des français et françaises dans le but d’enrayer les risques de nouvelles contaminations du virus Covid-19 au moment de la phase de déconfinement.
StopCovid s’inspire largement d’autres applications développées dans le monde comme TraceTogether à Singapour. Lancée le 20 mars, cette application permet de connaitre automatiquement toutes les personnes avec lesquelles le propriétaire a été en contact (si elles ont installé TraceTogether sur leur smartphone).
Cette application se construit sous l’égide de l’Institut national de recherche en sciences et technologies numérique (Inria)en partenariat avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.
StopCovid va fonctionner en s’appuyant sur les connexions Bluetooth des smartphones. Ce type de connexion permet d’avoir un suivi de proximité. En effet, le suivi Bluetooth se fait en mesurant un indicateur de force du signal reçu (« RSSI ») d’une connexion Bluetooth donnée pour estimer la distance entre plusieurs appareils. Pour simplifier : plus le signal est fort et plus les appareils sont proches les uns des autres. Avec les données rentrées par les utilisateurs dans l’application, StopCovid aura la possibilité d’indiquer et alerter un utilisateur s’il se trouve à proximité d’une personne atteinte du coronavirus. Cette méthode est appelée « tracing » ou « traçage des contacts ». En cas de contact avec une personne infectée, l’application vous prévient et vous invite à être testé et prit en charge.
Le fonctionnement se fait selon un modèle dit « centralisé » c’est-à-dire que les données non nominatives (anonymisées) sont stockées sur des serveurs centraux et contrôlés par les autorités sanitaires. Il existe un autre modèle « décentralisé » où les informations-clés sont stockées directement sur les smartphones des utilisateurs
Source : https://siecledigital.fr/2020/03/25/singapour-open-source-app-tracetogether-coronavirus/
Alors pourquoi l’application fait autant parler d’elle avant même d’être disponible ?
La stratégie même de traçage numérique est vue par de nombreuses personnes comme une menace des libertés, un moyen de mettre en place une surveillance généralisée. Les utilisateurs ne sont pas identifiés par leur véritable identité mais par un identifiant : les données sont donc pseudonymisées et non anonymisées. L’utilisation du Bluetooth est une la solution la moins intrusive pour tracer nos déplacements : les données GPS ou de géolocalisation n’ont pas besoin d’être exploitées, l’application n’utilise pas non plus le microphone ou l’appareil photo. Pour simplifier : l’application se soucie plus de savoir près de qui vous vous trouvez plutôt que de l’endroit où vous vous trouvez. Cependant, elle peut lier l’identifiant utilisé et anonymisé StopCovid au smartphone.
La Commission nationale de l’informatique (CNIL) a tout de même quelques réserves sur l’application notamment au regard des données personnelles à caractère de santé dans l’application. Ce type de données sont très sensibles et régulés par le règlement général sur la protection des données (RGPD). La CNIL appelle à « la vigilance » et souligne que « l’application ne peut être déployée que si son utilité est suffisamment avérée et si elle est intégrée dans une stratégie sanitaire globale ». De plus, l’approche centralisée, évoquée plus haut, fait craindre un risque important de sécurité sur les bases de données centralisées.
D’autres limites semblent également se dessiner notamment au regard de l’efficacité d’une telle application : elle suppose que les potentiels utilisateurs disposent individuellement d’un smartphone et qu’ils le gardent près d’eux toute la journée avec le Bluetooth activé et qu’ils acceptent de télécharger l’application. Marie-Laure Denis, présidente du CNIL, rappelle que « 25% des Français n’ont pas de smartphone, et ce taux est plus élevé chez les plus de 70 ans (44%) […] Il y a aussi la question de la compétence numérique et celle des zones blanches ». Par ailleurs, StopCovid doit également aller de pair d’une politique de dépistage conséquent (pour savoir si une personne est porteuse du Covid-19 ou non il faut en premier lieu qu’elle soit testée).
De plus, même si le gouvernement assure que le téléchargement se fera sur la base du volontariat, il peut être légitime de craindre une « pression sociale » sur la population dans notre contexte particulier de crise sanitaire et d’épidémie. D’autres craintes concernent la possibilité que ce type d’application de traçage perdure une fois la crise sanitaire passée. Pour cette raison, un débat entre sénateurs et députés sur cette question avant la date de déconfinement (pour l’instant maintenue au 11 mai).
Pour l’instant aucune date de lancement de l’application n’a été prononcée, le gouvernement n’a pas encore décidé si l’application sera finalement utilisée.
D’autres pays dans le monde utilisent ou sont en cours de développement de ce type de solution. On peut citer : Singapour, où l’application est déjà opérationnelle depuis le 20 mars. L’Australie a également développé une application centralisée nommée CovidSafe. L’Allemagne travaille avec la Suisse pour développer un modèle décentralisé. Le gouvernement du Royaume-Unis travaille en partenariat avec le National Health sur une application qui, comme StopCovid, fonctionnerait sur un modèle centralisé.
Sources :
https://siecledigital.fr/2020/03/25/singapour-open-source-app-tracetogether-coronavirus/