Dans les jours qui ont immédiatement suivi les attentas du 11 septembre 2001, Valdis Krebs a commencé à reconstituer sous forme de graphe, le puzzle des cellules qui ont opéré au nom d’AlQaida.
Cette modélisation est basée sur les données d’un fichier Excel, dans lesquelles sont accumulées, grâce aux chaînes de télévision et au web, différentes informations et les sources qui se recoupent.
Chaque nouvelle information vient nourrir une perspective.
Krebs ajoute de nouveaux liens entre les 19 membres des quatre cellules (différenciées par les couleurs sur le schéma ci-dessus), qui concernent les points communs :
- de leurs différentes biographies (certains sont de la même famille, ont fréquenté les mêmes lieux, vécu dans les mêmes camps d’entrainement en Afghanistan, sont des amis d’enfance ou ont côtoyé les mêmes imams).
- informations juridiques, commerciales ou administratives (location commune de voiture, logement communs, voyage à deux ou trois membres…sur une période de plusieurs années).
- nœuds entre les acteurs qui ont assuré la logistique des opérations et/ou qui ont croisé les « kamikazes » au cours de leurs vie.
- Etc.
La carte « finale » que livre V. Krebs comporte ainsi plus de 60 membres (dont certains sont seulement soupçonnés d’avoir participé de façon indirecte aux quatre attentats, d’autres ont été condamnés puis relâchés et d’autres encore à l’identité invérifiable).
La construction de la carte.
L’intérêt des cartes de réseaux criminels réside dans la dynamique de leur construction, au fur et à mesure que s’accumulent les éléments de connaissance qui permettent de comprendre le contexte. Elles sont proches des instruments de cartes mentales ou de cartographie sémantique et sont très contrôlées qualitativement.
Ce sont des instruments de dynamic knowledge discovery où ici, « l’information » doit d’abord être collectée, validée et vérifiée pas à pas dans un contexte d’incertitude généralisée.
Cette méthode complexe et cet outil sont repris également pour tenter de tisser des liens entre les acteurs des évènements dramatiques survenus en janvier 2016 en France.
Remise en cause de la protection des données.
Avec les menaces réelles qui pèsent sur notre pays depuis ces évènements, ce croisement entre technologie, information et éthique va devenir un débat public :
- Sommes-nous dans la nécessité d’accepter une nouvelle politique des données en matière de lutte contre les organisations criminelles et les réseaux terroristes?
- Reverrons-nous à la baisse nos exigences en matière de protection des données personnelles?
Ces questions sont d’autant plus cruciales qu’en matière de sécurité ou toute capacité descriptive débouche immanquablement sur l’idée d’instruments prédictifs.
Les network sciences : nouvelles sciences des réseaux à prendre en considération.
Au-delà de la question de la politique de protection des données, la naissance des network sciences (sciences de réseaux), englobant les méthodes du social network analysis (analyse des réseaux sociaux) et les outils de visualisation, est sérieusement à prendre en considération dans ce contexte.
Elles ont en effet pour objectif majeur de développer des capacités prédictives des « phénomènes sociaux ». Cette capacité à décrire et à expliquer des objets aussi complexes que des réseaux sociaux, s’associe donc à des préoccupations en matière de sécurité.
La finalité de ces sciences et outils est de savoir si les réseaux mafieux ou terroristes ont des « signatures statistiques » ou des « empreintes visuelles » particulières. Ceci reste encore aujourd’hui un enjeu majeur de tous ces types d’approche et des capacités préventives ou prédictives.
Sources :
https://www.science-et-vie.com/archives/la-science-des-reseaux-revele-les-cartes-du-savoir-37006