Le « redlining » : discrimination raciale au logement
En 1933, alors que les Etats-Unis connaissent une crise économique sans précédent, le président Franklin D. Roosevelt lance une nouvelle politique interventionniste : le New Deal. Dans ce contexte, le « redlining » est mis en place en 1934 afin de sauver le marché de l’immobilier. Cette pratique consistait à identifier et cartographier les quartiers des villes où il était risqué d’investir. Dans plus de 200 villes américaines, de telles cartes de « redlining » ont été produites par la Home Owners’ Loan Corporation (HOLC).

Carte de « redlining » de Richmond (Virginie) produite par la HOLC en 1937 (The New York Times, 2020).
Les quartiers des villes étaient alors classés en quatre catégories, à savoir vert, bleu, jaune et rouge. Ces quatre couleurs signifiaient respectivement « les meilleurs », « souhaitable », « en déclin » et « dangereux », et évaluaient le risque pour les investissements immobiliers. Afin d’établir cette classification des quartiers, la HOLC s’appuyait sur la solvabilité des habitants mais surtout sur leur origine ethnique. Ainsi, les quartiers rouges (« redlined ») accueillaient une majorité de population noire et immigrée contrairement aux quartiers bleus et verts. Le « redlining » a eu pour conséquences la diminution des investissements dans les zones rouges, mais aussi des prêts et crédits immobiliers accordés aux habitants qui y vivaient.
Les quartiers « redlined » sont jusqu’à 5°C plus chauds
Bien qu’interdit dans les années 1970, le « redlining » a eu des impacts durables sur les villes américaines, et notamment sur les îlots de chaleur urbains.
Les cartes de « redlining » de la HOLC ont dissuadé les promoteurs immobiliers d’investir dans les quartiers rouges. Les terrains disponibles ont donc davantage accueilli des industries, autoroutes, parkings ou encore entrepôts. A contrario, des parcs et espaces verts ont été aménagés dans les quartiers plus aisés (bleus et verts) pour assurer un bon cadre de vie aux habitants. Ces disparités raciales, économiques et paysagères sont encore visibles dans les villes américaines.

Comparaison entre la localisation des anciens quartiers « redlined » et le degré d’artificialisation des sols à Richmond (The New York Times, 2020).
Comparaison entre la localisation des anciens quartiers « redlined » et la densité du couvert végétal à Richmond (The New York Times, 2020).
Or, les modes d’occupation du sol en ville ont une influence sur les températures. Par exemple, les matériaux utilisés pour les constructions des bâtiments ou pour la voirie, la densité du bâti et les activités humaines comme l’industrie et les transports ont tendance à accentuer l’îlot de chaleur. En effet, ces matériaux ont un faible albédo ; ils absorbent fortement la chaleur puis la diffusent dans la ville où elle se retrouve piégée. En revanche, les arbres contribuent au rafraichissement de l’air par évapotranspiration et en créant de l’ombre.
Ainsi, les quartiers autrefois « redlined » très artificialisés sont en moyenne 1,3°C plus chauds que les anciens quartiers bleus et verts plus végétalisés. En été, des différences de température allant jusqu’à 5°C peuvent être enregistrées.

Comparaison entre la localisation des anciens quartiers « redlined » et les températures estivales à Richmond (The New York Times, 2020).
Même de faibles augmentations de la température peuvent être dangereuses pour la santé et augmenter de 2,5% les risques de décès. Aux Etats-Unis, les populations pauvres vivant dans les anciens quartiers « redlined » sont ainsi davantage exposées à ce risque ; un risque croissant à cause du réchauffement climatique.
Sources :