Les cartes d’état-major


La cartographie à l’échelle française a connue 2 entreprises majeures, reflet aujourd’hui de l’histoire de la France. Il s’agit là de la carte de Cassini et celle d’état-major. Il est intéressant de constater que toutes 2 sont présentes sur le Géoportail, accessible donc au grand public. Si la carte de Cassini a déjà été traitée (par Enora Mahieux, le 21 septembre 2020 «La famille Cassini : une cartographie complète de la France au XVIII»), ce n’est pas le cas des cartes d’état-major, que nous allons explorer maintenant.

Le contexte de création de ces cartes :

Ce sont donc 4 générations de Cassini qui se sont succédées au cours du XVIIIe siècle, pour élaborer la toute première carte détaillée de France. Chacun étant spécialisé dans un domaine propre, chronologiquement l’astronomie, la géodésie, la topographie et la cartographie. Lors de la Révolution française, alors que la carte appartenait jusqu’ici au domaine civil, elle fût attribuée au Dépôt de Guerre, passant ainsi au statut militaire.

Quelques années plus tard, Napoléon essaya de développer une nouvelle carte de la France, encore plus détaillée, et devant permettre la mise à jour de la carte de Cassini. La commission qu’il va alors créer dans ce but, ne va aboutir qu’en 1817, avec de premiers relevés de terrain en 1818. C’est le début de la production des cartes d’état-major. Pour autant, de nombreuses cartes et dessins ont été produits entre ce laps de temps, à des fins militaires, mais également civile. Comme avec le cadastre Napoléonien instauré en 1807. Ce sont au total, plus de 1800 cartes qui ont été créées entre 1799 et 1814, dont certaines signées par Napoléon, qui seront par ailleurs prochainement exposées par les Archives nationales.

La procédure de conception :

Pour pouvoir élaborer une cartographie sur l’ensemble de la France, plusieurs éléments techniques devaient être prévus en amont avant la réalisation du travail et relevé terrain par les officiers d’état-major. Ainsi, différentes échelles ont été envisagées, en passant par le 1/10000, jusqu’à remonter au 1/80000 qui fût le choix définitif. A la fois en termes de coût, étant moins long et donc moins cher à produire qu’à plus grande échelle, mais aussi pour se rapprocher de la carte de Cassini qui était au 1/86400. Également, le territoire a été découpé en 267 rectangles égaux, de 40 sur 64km comme affiché sur l’image ci-dessous. Chacun d’entre eux représentant une feuille (carte) du territoire, et étant tous numérotés. Enfin, la projection utilisée à l’époque était celle de Bonne, en prenant comme origine le méridien de Paris, et 45°N de latitude.

Carte n°1 : Division des 267 feuilles cartographiques composant la France

Ainsi, c’est près de 50 ans qui se sont écoulés pour l’élaboration de la cartographie d’état-major à l’échelle de la France, de 1818 à 1860. Chacune des feuilles sont gravées sur des planches de cuivre, permettant une impression des exemplaires par la suite, comme pour cette carte représentant le rectangle 34 du territoire de Reims ci-dessous.

Carte n°2 : La carte d’état-major de Reims

Révision et utilisation des cartes :

Si les feuilles cartographiques pouvaient être achetées par grand public, étant onéreuses et faisant toujours partie du Dépôt de Guerre, celles-ci étaient principalement destinées à l’armée, notamment aux capitaines de compagnies, mais aussi à l’administration. Diverses révisions des gravures originales ont alors lieu pour maintenir à jour les nouvelles routes, les voies de chemins de fer en développement etc. Ces révisions se sont produites à diverses phases de la production. Les premières, de 1840 à 1870, étaient relativement imprécises, les officiers n’étant plus sur le terrain pour vérifier exactement les modifications. Le Dépôt de Guerre a repris par la suite des modifications, principalement sur les territoires de l’est. Ce qui n’est pas anodin vis-à-vis des tensions de l’époque avec les allemands.

Après 1887 et le rattachement du Dépôt de Guerre au service géographique de l’armée, les cartes d’état-major ont été plus sérieusement révisées. Allant même jusqu’à emprunter la projection Lambert en 1898, et a utilisé le nouveau système géodésique français de l’époque, NTF (nouvelle triangulation de la France), utilisé jusqu’en 1991. Cela pour régler le problème de la projection de Bonne, qui ne faisait pas correspondre l’angle d’un plan, sur le même angle pris sur la sphère terrestre. Un système de projection Lambert qui a d’ailleurs été divisé en diverses parties selon les besoins de l’armée. En effet, pendant la 1ère guerre mondiale, avec la guerre de position, connaître l’emplacement précis d’un objet était essentiel, au lieu de tirer à vue. Et les projections Lambert Nord et Sud ont été créées dans ce but. C’est après la guerre que le Lambert est devenu définitivement, la projection que l’on utilise toujours aujourd’hui pour élaborer des cartes de France.

Pour conclure :

La carte d’état-major s’est inscrite dans la continuité du service cartographique de la France. Offrant également une bonne perspective d’évolution et d’outils comme les projections toujours d’actualité. Elle est également présentée à sa manière, comme une œuvre historique.

Sources

  • Bursaux, D. (2019). De la carte de Cassini à la Géoplateforme de l’État. Annales des Mines – Responsabilité et environnement, 2(2), 4-5. DOI

  • C, Robin et G, Teillet, «Les cartes de Napoléon : des outils pour l’action». Carto, Novembre-Décembre 2018, n°50, p66.

  • Nathalie Bodving, 2010, Bibliothèque de Fels, Institut Catholique de Paris. Lien

  • Site, La carte d’état-major