Cartographier la nuit pour protéger des pollutions lumineuses : l’initiative du Grand Genève

En France, en 10 ans, le nombre de points lumineux a augmenté de 30%. Aujourd’hui, sur la métropole, 8,7 millions de lampes sont utilisées pour l’éclairage artificiel. Celles-ci produisent en moyenne 1260 mégawatts par an. C’est l’équivalent d’un réacteur nucléaire, selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe).

Enjeux

Le fonctionnement des réverbères le long des trottoirs, des illuminations de Noël, ou encore des lampadaires en bordure de routes… est financé par les communes. Et leur coût n’est pas négligeable : l’éclairage public représente en moyenne 38% de la facture d’électricité des communes et près de la moitié de leur budget énergétique.

La lumière artificielle émise par les éclairages publics serait responsable d’environ 4% des émissions de gaz à effet de serre de la France.

Cette pollution lumineuse a également un impact dévastateur sur la biodiversité nocturne existante. Elle menace la survie de nombreuses populations d’insectes. Elle désoriente les oiseaux migrateurs, souvent contraints de dévier de leur trajectoire à cause d’une trop forte luminosité.

La santé humaine est également impactée. En effet, cette nuisance peut générer des troubles du sommeil ou encore réduire la sécrétion de mélatonine dans le corps (hormone essentielle au bon fonctionnement du système artériel).

Des cartographies pour lutter contre les nuisances lumineuses

Les mobilisations autour de la lutte contre les pollutions lumineuses nocturnes se multiplient, contribuant au développement d’outils de sensibilisation. Ainsi, le Pôle métropolitain du Genevois français travaille sur une représentation de la « trame noire ». Il s’agit de cartographier des zones d’obscurité la nuit pour mieux les protéger en se basant sur le modèle des trames vertes. Pour ce faire, les cartographes à cette initiative se basent sur des photos satellites prises de nuit. Une fois les photos capturées, il s’agit de modéliser leur visibilité sur le territoire, en prenant en compte la topographie et les structures constituant des obstacles à la dispersion lumineuse. Il est ainsi possible de déterminer les zones du territoire qui sont le plus fortement impactées par la lumière.

Le projet a commencé à voir le jour en 2015. Aujourd’hui, l’agglomération Grand Genève possède une cartographie nocturne qui couvre une surface au sol de 700 km². Plus de 1 000 photos ont ainsi été prises, en partenariat avec l’IGN.

Source : Hepia, 2019

Cette cartographie permet d’identifier des zones du territoire faiblement ou fortement impactées par la pollution lumineuse et ainsi aider à la protection de la richesse de notre cadre de vie et à la valorisation durable du patrimoine nocturne.

L’objectif futur est de développer ce type de traitement à une plus grande échelle que le Grand Genève.

Des productions qui se multiplient

L’essor des outils de télédétection a permis de disposer de séries d’images satellitaires de qualité, qui permettent de mettre en avant ces sources d’émission lumineuse. Ainsi, ce type de représentation se multiplie.

Par exemple, depuis 1992, une application nommée Radiance Light Trends permet de visualiser l’évolution des émissions lumineuses nocturnes dans le monde entier, de 1992 au mois dernier. Cette cartographie interactive utilise, elle aussi, les données collectées par les satellites pour afficher les émissions lumineuses actuelles et leur évolution au fil du temps. Les satellites mobilisés balayent la Terre chaque nuit, ce qui permet d’avoir des représentations précises et fiables.

Source : Radiance Light Trends, 2021, https://lighttrends.lightpollutionmap.info/#zoom=0&lon=0.00000&lat=33.78523

Google Earth propose également un outil qui permet de consulter les pollutions lumineuses de la Terre entière. Margot Girault vous le présente dans son article “Consultation de cartes de pollution lumineuse : l’utilisation de Google Earth” publié le 27 janvier dernier.