Avant-propos:
L’Organisation des Nations Unies (ONU) estiment à plus d’un milliard le nombre de personnes vivant dans des bidonvilles sur la planète. Pour rappel, nous considérons ici que la notion de « bidonville » désigne un quartier informel composé d’habitats spontanés réalisés en autoconstruction (des favelas en dur au Brésil jusqu’au cabanon fait de carton et de matériaux de récupérations comme à Paris).
De la difficulté de répertorier ces espaces spontanés…
-
Des populations précaires mouvantes
Les populations y résidant vivent dans des conditions précaires et instables, c’est donc pour l’ensemble de ces raisons que nous pouvons parler également d' »habitat précaire » (M.L Djatcheu, 2018). Etant donné leur caractère spontané et non légiféré, il est complexe d’établir des cartographies précises et donc de percevoir des géographies multiples davantage représentatives de ces espaces souvent surpeuplés (Bombay ou Rio de Janeiro en sont des exemples frappant).
Cependant, ce phénomène souvent répertorié dans des pays en voie de développement, ne se limite pas à ces derniers puisque nous pouvons malheureusement en compter dans des pays considérés comme développés comme c’est le cas en France à Paris ou sur certaines villes américaines, touchant alors les plus démunis.
2. Une représentation cartographique tronquée
Officiellement, ces espaces sont représentés sur les cartes par des formes abstraites de polygones étiquetés « zones informelles » ou « zones de développement » voire même sans dénomination donnée. Ce manque d’informations est due en grande partie à une omission des autorités sur la question (recensement des populations, établissement de politiques sociales…). C’est notamment le cas dans la ville de Caracas, capital du Venezuela, où les services de Google Maps n’ont inclus seulement que les rues principales des bidonvilles. Cela fausse ainsi la réalité du terrain puisque vu du ciel, ce ne sont pas des périphéries vides de monde mais bien peuplées de plusieurs milliers voire millions d’habitants.
Une comparaison entre une carte et une image satellite du quartier Petare à Caracas sur Google Maps montre en quoi les deux représentations du quartier diffèrent.
La comparaison avec un quartier formel :
En revanche, deux cartes de la municipalité de Chacao, une partie de la ville formelle, montrent une meilleure couverture sur Google Maps.
3. Des possibilités de développement local non-exploités
Cela questionne quant à la pertinence des informations qui sont visibles par les utilisateurs. Bien souvent, les touristes et visiteurs utilisant le service Google Maps pour s’orienter dans les choix d’activités réalisés, ceux-ci passent à côté d’une culture urbaine et culturelle riche se trouvant au sein de ces quartiers peu attractifs.
Ainsi, en l’absence de noms de rue ou de bâtiments sur des plates-formes telles que Google Maps, les lacunes en matière d’information gardent une grande partie du paysage des bidonvilles cachée aux étrangers. Pour les résidents, cela rend plus difficile l’accès aux avantages et aux services du développement urbain, tels que les routes, les raccordements à l’eau, l’assainissement et Internet.
… à des solutions cartographiques alternatives !
Dans le but de combler à ces retours d’informations pourtant utiles pour la vie quotidienne de ces résidents, des scientifiques du monde entier se sont planchés sur le sujet avec l’aide appuyée des populations locales. Ainsi, des groupes de chercheurs ont enregistré les noms de rues et les coordonnées GPS en déambulant à travers. Puis, grâce à l’aide des nouvelles technologies, les données ont été remontés sur ordinateurs et smartphones pour être enregistré sur la plateforme libre-service OpenStreetMap (OSM). Le service open-source a d’ailleurs développer une couche « humanitaire » au sortir des tremblements de terre d’Haïti de 2010, en soutien technique aux professionnels pour leurs actions avenirs. Ces logiciels et données mises à disposition des acteurs locaux permettent d’en améliorer les cartographies numériques existantes en vue de projets humanitaires futures et en prévention de catastrophes naturelles dans des zones jugées sensibles.
Grâce aux soutiens matériels et logiciels mis en place, de nombreux projets de développement local ont pu voir le jour comme le projet Map Kibera au Kenya en fournissant des informations géographiques aux ONG et aux militants qui ont réussi à améliorer les raccordements à l’eau et le nombre d’écoles dans les bidonvilles à l’extérieur de Nairobi.
Egalement, au Pérou, l’organisation i’mappin collecte des données sur les services disponibles ou manquants dans les quartiers informels qui peuvent aider les ONG humanitaires, les entreprises et le gouvernement à améliorer la vie des habitants.
Un aperçu des écoles et des centres de santé cartographiés dans un quartier informel de Lima. Source: i.mappin
De nombreuses actions restent à réaliser en la matière cependant. Il serait judicieux que les autorités ouvrent leurs données à leurs citoyens afin que ceux-ci puisse se les approprier et faire germer de nouvelles applications futures essentielles à leurs vies quotidiennes.
Bibliographie:
- https://www.bloomberg.com/news/newsletters/2021-07-28/maplab-putting-slums-on-the-map
- http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/bidonville
- Armelle Choplin et Martin Lozivit, « Mapping a slum: learning from participatory mapping and digital innovation in Cotonou (Benin) », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 894.
- https://www.smithsonianmag.com/science-nature/diy-cartographers-are-putting-slums-literal-map-180958485/
- https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Housing/InformalSettlements/UNHABITAT_StreetsasToolsforUrbanTransformationinSlums.pdf