Le 30 août dernier s’éteignait l’homme politique russe Mikhaïl Gorbatchev. Alors que certains reconnaissent le service rendu de ses actions en faveur de la paix, notamment par l’attribution d’un prix Nobel de la paix en 1990, d’autres le méprisent pour ses positions politiques passées qui sont associées à la chute de l’URSS et aux crises qui ont suivi.
L’union des républiques socialistes soviétiques (URSS) connue comme un état autoritaire a, entre la proclamation de la fédération des républiques soviétiques en 1922 jusqu’à sa dissolution en 1991, été l’instrumentiste d’un système totalitaire et répressif. La mise en place de goulags (de 1923 à 1960) preuve de ce système imposée à la population.
Plus de 30 ans après la chute de l’URSS, son passé reste un sujet prompt à tension sur la scène internationale tant les opinions sont partagées. D’une part, l’Occident reconnaît les crimes et les violences aussi bien physiques que psychologiques infligées aux victimes des goulags. L’instauration d’un devoir de mémoire corrobore cette reconnaissance et concorde avec la gravité des événements et du nombre de victimes. D’autre part, l’État russe tente d’annihiler la vision négative que le peuple pourrait avoir sur les instigateurs de cette pratique pour les ériger en héros de la nation. En effet, Poutine affirme que la mémoire nationale doit servir l’intérêt du pays et du peuple en affirmant leur grandeur » (Russie, la mémoire mutilée du Goulag, Le Monde, 2019). En accord avec ses propos, on constate un accès restreint aux archives et l’édification de 10 statues de Staline entre 2016 et 2022. La manipulation de l’information se traduit selon un sondage réalisé en 2017 par l’institut Levada par une diminution de 33 points de pourcentage de russes considérant les goulags comme un crime injustifiable.
Dans ce contexte de contrôle (partiel de l’information et des archives) on est légitime de remettre en cause toutes données acquises. Cependant, comment assurer un devoir de mémoire en reconstituant les faits par la cartographie tout en prenant en compte l’imprécision des données ?
« Les cartes ne figurent pas l’incertitude des données. On utilise une représentation d’apparence certaine alors que les informations représentées sont parfois incertaines. Les tracés des trajets semblent détaillés, laissant croire qu’il s’agit de l’itinéraire réel que l’exilé a emprunté, alors que c’est seulement un itinéraire probable et très certainement proche du réel : le plus court chemin par voie ferrée, entre le lieu de départ et le lieu d’arrivée »
« Dans un récit, l’espace et le temps racontés peuvent être flous, et comme ils ne se prêtent pas forcément à la cartographie, leur transcription sur la carte peut varier selon l’interprétation du cartographe. Ceci pose des problèmes méthodologiques, mais présente aussi des avantages : la carte devient un outil d’analyse des récits et oblige à rechercher dans ce récit, les incertitudes mais aussi des précisions inattendues. »
https://geographie-cites.cnrs.fr/memoires-europeennes-du-goulag/
L’outil de la “Story Maps” permet de concilier efficacement statistiques, récits et localisation géographique de manière interactive. Cet outil permet de représenter une donnée s’inscrivant dans le passé et évoluant sur un territoire, comme son nom l’indique il sert à raconter des récits historiques via des fonctionnalités adaptées. Concernant l’imprécision des données, comme dans toute cartographie son auteur doit faire des choix. Le choix le plus cohérent serait de faire concorder un maximum les différents récits, les documents accessibles et la cartographie, tout en avertissant le lecteur sur le caractère incertain et imprécis des données. Le site du musée des mémoires européennes du goulag est actuellement en train de développer de nouvelles méthodes de visualisation de leur donnée. Leurs cartes actuelles sont accessibles sous un format on ne peut plus classique et portent sur les trajectoires d’exil. Par conséquent, on peut se questionner sur les choix cartographiques à venir du muséum, opteront-ils pour une méthode de data visualisation plus dynamique et interactive ?
« Carte des goulags ». Consulté le 8 septembre 2022. https://gulagmap.ru/.
Côme, Catherine. « Mémoires européennes du Goulag ». Géographie-cités (blog), 11 juillet 2022. https://geographie-cites.cnrs.fr/memoires-europeennes-du-goulag/.
« La géographie interroge le passé : mémoires et territoires en Fédération de Russie — Géoconfluences ». Document. Consulté le 8 septembre 2022. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Russie/RussieFaire.htm.
« Mémoire des répressions politiques en Russie postsoviétique : Le cas du Goulag | Sciences Po Violence de masse et Résistance – Réseau de recherche », 10 avril 2017. https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/memoire-des-repressions-politiques-en-russie-postsovietique-le-cas-du-goulag.html.
« Présentation de ArcGIS StoryMaps—ArcGIS StoryMaps | Documentation ». Consulté le 17 septembre 2022. https://doc.arcgis.com/fr/arcgis-storymaps/get-started/what-is-arcgis-storymaps.htm.
Mémoires européennes du Goulag. « Thématique ». Consulté le 8 septembre 2022. https://museum.gulagmemories.eu/fr/thematique.